ISMAIL KADARÉ: Qui a ramené Doruntine?
Dans un bourg de l’Albanie médiévale, une vieille femme et sa fille _ seules survivantes d’une famille dont la guerre et la peste ont fauché tous les enfants mâles _ succombent à un épisode troublant sur lequel l’inspecteur local est chargé de faire la lumière: Doruntine a été mariée “au loin”, selon la tendance moderne de l’époque; son frère Constantin avait, de son vivant, juré à leur mère de lui ramener sa fille chaque fois qu’elle exprimerait le désir de la revoir. Or, les investigations de l’inspecteur révèlent que c’est bel et bien Constantin qui a ramené Doruntine, de nuit, au domicile maternel.
Constantin serait-il sorti de sa tombe pour tenir la parole donnée à sa mère quant il était en vie? Ou faut-il ajouter foi aux aveux extorqués sous la torture au pauvre commerçant ambulant qui prétend avoir convoyé Doruntine depuis sa lointaine province?
Comme pour Le Pont aux trois arches, Kadaré a puisé ici dans le patrimoine légendaire de son pays la substance d’un “thriller” hors d’âge, plein de brumes, de chevauchées nocturnes et de pierres tombales déplacées, mais dans lequel court, en filigrane, une réflexion universelle sur la portée de l’Histoire.
Ismaïl Kadaré, poète, romancier, nouvelliste, est né en 1936 à Gjirokastra, dans le sud de l’Albanie. Citons parmi ses oeuvres traduites en français: Les Tambours de la pluie, Le Grand Hiver, La Niche de la honte, Avril brisé, L’Année noire.