ISMAIL KADARÉ: Le Printemps albanais
“La dictature et la littérature véritable ne peuvent cohabiter que d’une façon: en se dévorant nuit et jour l’une l’autre. L’écrivain est l’ennemi naturel de la dictature. A tout instant, même quand il se croit endormi, il la combat. Car cela est inscrit dans son code génétique. La dictature et la littérature ne peuvent être figurées que comme deux bêtes fauves qui se prennent en permanence à la gorge. Bien qu’elles aient des griffes différentes, l’une comme l’autre provoquent également des blessures _ différentes. Les blessures qu’essuie l’écrivain peuvent paraître affreuses, car immédiates. Tandis que celles qu’il cause, lui, à la dictature, sont des blessures à retardement, mais de celles qui ne guérissent jamais.
L’instinct de l’espèce dressant l’écrivain contre la dictature, tout comme l’organisme qui devient résistant à une agression extérieure, il arrive que l’oeuvre de l’écrivain, au lieu d’être affaiblie par la fièvre tyrannique, en soit endurcie”.
I.K.