«Le Dernier Prisonnier» filme les ultimes soubresauts du communisme albanais
Le cinéaste Bujar Alimani relate sobrement, voire tristement, le mol effondrement d’une dictature.
En 1991, l’Albanie reste la seule dictature communiste d’Europe occidentale. Replié sur lui-même depuis la fin de la guerre, « le pays des aigles », après avoir vécu sous la férule d’Enver Hoxha (1908-1985), dictateur paranoïaque et sanguinaire, qui fit construire des milliers d’abris antiatomiques sur son territoire, vivote sous l’autorité des ses successeurs, pas moins bornés. A moins qu’on ne les oblige à changer : c’est ce que tente de faire l’Union européenne, prête à conditionner des aides économiques à ce pays miséreux et déglingué en échange d’avancées démocratiques. Encore faut-il que l’Etat albanais apporte la preuve de sa bonne volonté. On n’a rien sans rien.
On en est là lorsque commence Le Dernier Prisonnier. Pourquoi ne pas libérer ce Leo, un professeur qui croupit dans un bagne moyenâgeux depuis quinze ans, se disent les autorités locales, décidées à faire de cet encombrant opposant politique une monnaie d’échange d’autant plus rentable que le représentant des autorités européennes est justement un de ses anciens camarades d’université. Qu’on lui montre Leo, sorti de sa prison, qu’on le réinstalle à Tirana dans ses meubles conservés jusqu’au plus petit cadre par une administration aussi tatillonne que bien organisée, et les aides pleuvront comme à Gravelotte.
Une Albanie sans effet ni esbroufe
Mais le voyage prévu de la prison à la capitale albanaise à bord d’un 4 × 4 poussif se transforme en épreuve. Pas de retour triomphal pour le professeur, qui se méfie justement de ses « libérateurs ». Le 4 × 4 a tôt fait de rendre l’âme dans un paysage de montagne froid et pelé. Le mécano est sourd et muet. Le téléphone marche mal, comme le pays, du reste. On vole des aubergines et des poivrons. Des jeunes filles se moquent ouvertement du pouvoir. Ça sent la fin.