Tedi Papavrami, violoniste virtuose et traducteur d’Ismail Kadare
Son corps est celui d’un athlète, d’un marathonien ou d’un cycliste. Dans le film de Raphaëlle Régnier, “Ostinato”, on le voit courir, chasser avec son chien et sauter à la corde. Le sport est pour lui un calmant. C’est aussi une discipline qui lui permet d’avoir conscience de son corps et d’en faire le partenaire de son instrument.
Mais dans “Ostinato” (motif mélodique ou rythmique répété obstinément), on le voit surtout jouer, à plusieurs âges de sa vie, en noir et blanc ou en couleurs, mais toujours avec le même sérieux.
Tedi Papavrami, né à Tirana en 1971, a commencé le violon à quatre ans avec son père, “professeur exigeant et théâtral”. A onze ans, il quitte l’Albanie d’Hoxha pour la France. Il est déclaré ennemi du pays. A titre de représailles, une partie de sa famille est internée. Tedi, seul responsable de sa vie désormais, ne retrouvera plus jamais “l’insouciance de son enfance” mais sa carrière internationale est lancée.
A voir, la bande annonce d'”Ostinato”:
Son répertoire va de la musique de chambre aux compositions orchestrales. En 2010, son disque Bach/Bartòk est salué par un Diapason d’or. Aujourd’hui, il enseigne à la Haute école de musique de Genève.
L’apprentissage de l’interprétation
Tedi Papavrami explique sa trajectoire d’interprète en trois temps. Celui de l’enfance où la musique lui était naturelle comme l’air. La période de l’adolescence où l’orgueil le pousse à exprimer tout ce qu’il ressent et possède en lui, au détriment de la spécificité du compositeur. Enfin, troisième étape: l’oubli de son ego pour se mettre au service du compositeur, tout en conservant et cultivant, ce qui fait son essence.
Interpréter, c’est traduire
Si les mots laissent moins de liberté que les notes, les deux sont une affaire d’oreille. Celle de Papavrami l’a conduit à devenir le traducteur officiel de son compatriote Ismail Kadare qui lui fait entièrement confiance.
Dans le film, les deux hommes tentent de trouver la traduction française d’un mot qui ne semble appartenir qu’à la réalité albanaise du temps du communisme d’Hoxha, quelque chose comme “la brutalité d’une gaîté imposée”, celle qu’a connue Papavrami enfant.
C’est un des moment les plus émouvants du film, un des rares où l’âme tourmentée et mélancolique de Papavrami semble sourire.
Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert
Réalisation web: Marie-Claude Martin
21 maj 2018